LEVER LES TABOUS SOCIETAUX

REPENSER LES DOGMES  ET FAIRE TOMBER LA DOXA /

DECONSTRUIRE LA DOCTRINE

Médias et livres scolaires nous disent-ils tout ?

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Contrairement aux apparences et à une croyance répandue, les grandes crises sociétales modernes ( guerres & crises économiques ) ne sont pas  ( ou que très rarement ) le fruit de problèmes matériels concrets mais le résultat de conflits politiques, des guerres d'empire ou la conséquence des contradictions inhérentes au dogme ( économique / politique ). Ces crises n'ont pas de raisons d'être s'imposant par le fait de la nature et sont donc la conséquence de mauvaises décisions humaines. Tendre euphémisme, car il s'agirait plutôt d'une conséquence ... d'ambition débridée, de corruption, de mauvaises foi à des fins d'enrichissement personnel pour une partie du corps social ( Système Oligarchique ). 

Voyons en détail ces croyances et phénomènes idéologiques qui, par pudeur, tabou, politiquement correct, entraienent le chaos depuis toujours sans jamais être nommé précisément ...

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1- La religion du capitalisme

( un dogme de création / Répartition des richesses devenu incontestable sous peine d'excommunion implicite )

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Bernard Friot : « Le travail, c’est nous qui le faisons, pas les capitalistes »

 

Dans un livre avec Frédéric Lordon, Bernard Friot révèle la part du « déjà-là communiste » dans les institutions françaises. Un modèle, dit-il, pour renverser ce qui tue le vivant sans en être tenu pour responsable : le capitalisme.

 

Qu’il y ait la planète à sauver, tout le monde est d’accord. Mais à sauver de quoi et surtout de qui ? La question est rarement posée d’une manière aussi directe, y compris par ceux qui décrivent au mieux l’imminence du péril sur Terre comme Guillaume Pitron, auteur d’ouvrages sur l’écocide en cours dans l’arrière-cuisine de la « transition energétique ». Cette planète est a sauver du capitalisme et des capitalistes, répondent Bernard Friot, sociologue.

https://www.youtube.com/watch?v=vgczUgRu81k&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info

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___Même sujet___

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http://Le capitalisme comme religion : Walter Benjamin et Max Weber

https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2006-3-page-203.htm

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Parmi les papiers inédits de Walter Benjamin publiés en 1985 par Ralph Tiedemann et Hermann Schweppenhäuser dans le volume VI des Gesammelte Schriften (Suhrkamp Verlag), il y en a un qui est particulièrement obscur, mais qui semble d’une étonnante actualité : « Le capitalisme comme religion ». Il s’agit de trois ou quatre pages, contenant aussi bien des notes que des références bibliographiques ; dense, paradoxal, parfois hermétique, le texte ne se laisse pas facilement déchiffrer. Comme il n’était pas destiné à publication, son auteur n’avait, bien entendu, aucun besoin de le rendre lisible et compréhensible… Les commentaires suivants sont une tentative partielle d’interprétation, fondée plutôt sur des hypothèses que des certitudes, et laissant certaines « zones d’ombre » de côté.

2Le titre du fragment est directement emprunté au livre d’Ernst Bloch, Thomas Münzer, théologien de la Révolution, publié en 1921 ; dans la conclusion du chapitre dédié à Calvin, l’auteur dénonçait dans la doctrine du réformateur genevois une manipulation qui va « détruire complètement » le christianisme et introduire « les éléments d’une nouvelle “religion”, celle du capitalisme érigé au rang de religion (Kapitalismus als religion) et devenu l’Église de Mammon [1][1]Ernst Bloch, Thomas Münzer, théologien de la Révolution, Paris,…. »

3Nous savons que Benjamin a lu ce livre, puisque dans une lettre à Gershom Scholem du 27 novembre 1921 il raconte : « Récemment il [Bloch] m’a donné, lors de sa première visite ici, les épreuves complètes du “Münzer” et j’ai commencé à les lire [2][2]Walter Benjamin, Gesammelte Briefe, Francfort, Suhkamp, vol.…. » Il semblerait donc que la date de rédaction du fragment n’est pas le « milieu de 1921 au plus tard », comme indiqué par les éditeurs, mais plutôt fin 1921. Soit dit en passant, Benjamin ne partageait pas du tout la thèse de son ami sur une trahison calviniste/protestante du véritable esprit du christianisme [3][3]Sur le rapport de Benjamin à Bloch à ce sujet, cf. Werner….

4Le texte de Benjamin est, de toute évidence, inspiré par L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber ; cet auteur est deux fois cité, d’abord dans le corps du document, et ensuite dans les notices bibliographiques, où se trouve mentionnée l’édition de 1920 des Gesammelte Aufsätze sur Religionssoziologie, ainsi que l’ouvrage d’Ernst Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen, édition de 1912, qui défend, sur la question de l’origine du capitalisme, des thèses sensiblement identiques à celles de Weber. Cependant, comme nous verrons, l’argument de Benjamin va bien au delà de Weber, et, surtout, il remplace sa démarche « axiologiquement neutre » (Wertfrei) par un fulminant réquisitoire anticapitaliste.

5« Il faut voir dans le capitalisme une religion » : c’est avec cette affirmation catégorique que s’ouvre le fragment. Il s’ensuit une référence, mais aussi une prise de distance par rapport à Weber : « Démontrer la structure religieuse du capitalisme – c’est à dire démontrer qu’il est non seulement une formation conditionnée par la religion, comme le pense Weber, mais un phénomène essentiellement religieux – nous entraînerait encore aujourd’hui dans les détours d’une polémique universelle démesurée ». Plus loin dans le texte la même idée revient, mais sous une forme quelque peu atténuée, en fait plus proche de l’argument wébérien : « Le christianisme, à l’époque de la Réforme, n’a pas favorisé l’avènement du capitalisme, il s’est transformé en capitalisme ». Ce n’est pas tellement loin de la conclusion de L’éthique protestante ! Ce qui est plus novateur c’est l’idée de la nature proprement religieuse du système capitaliste lui-même : il s’agit d’une thèse bien plus radicale que celle de Weber, même si elle s’appuie sur beaucoup d’éléments de son analyse. Benjamin continue : « Nous ne pouvons pas resserrer le filet dans lequel nous sommes pris. Plus loin cependant, ce point sera rapidement abordé ». Curieux argument… En quoi cette démonstration l’enfermerait dans le filet capitaliste ? En fait, le « point » ne sera pas « abordé plus loin » mais tout de suite, sous forme d’une démonstration, en bonne et due forme, de la nature religieuse du capitalisme : « On peut néanmoins d’ores et déjà reconnaître dans le temps présent trois traits de cette structure religieuse du capitalisme ». Benjamin ne cite plus Weber, mais, en fait, les trois points se nourrissent d’idées et d’arguments du sociologue, tout en leur donnant une portée nouvelle, infiniment plus critique, plus radicale – socialement et politiquement, mais aussi du point de vue philosophique (théologique ?) – et parfaitement antagonique à la thèse wébérienne de la sécularisation.

« Premièrement, le capitalisme est une religion purement cultuelle, peut-être la plus extrêmement cultuelle qu’il y ait jamais eu. Rien en lui n’a de signification qui ne soit immédiatement en rapport avec le culte, il n’a ni dogme spécifique ni théologie. L’utilitarisme y gagne, de ce point de vue, sa coloration religieuse [4][4]W. Benjamin, « Le capitalisme comme religion », in W. Benjamin,…. »

 

7Donc, les pratiques utilitaires du capitalisme – investissement du capital, spéculations, opérations financières, manœuvres boursières, achat et vente de marchandises – sont l’équivalent d’un culte religieux. Le capitalisme ne demande pas l’adhésion à un credo, une doctrine ou une « théologie », ce qui compte ce sont les actions, qui relèvent, par leur dynamique sociale, de pratiques cultuelles. Benjamin, un peu en contradiction avec son argument sur la Réforme et le christianisme, compare cette religion capitaliste avec le paganisme originaire, lui aussi « immédiatement pratique » et sans préoccupations « transcendantes ».

8Mais qu’est-ce qui permet d’assimiler ces pratiques économiques capitalistes à un « culte » ? Benjamin ne l’explique pas, mais il utilise, quelques lignes plus bas, le terme d’« adorateur » ; on peut donc considérer que le culte capitaliste comporte certaines divinités, qui sont l’objet d’adoration. Par exemple : « Comparaison entre les images de saints des différentes religions et les billets de banque des différents États ». L’argent, en forme de papier-monnaie, serait ainsi l’objet d’un culte analogue à celui des saints des religions « ordinaires ». Il est intéressant de noter que, dans un passage de Sens Unique, Benjamin compare les billets de banque avec des « façades de l’enfer » (Fassaden-Architektur der Hölle) qui traduisent « le saint esprit de sérieux » du capitalisme [5][5]W. Benjamin, Einbahnstrasse, in W. Benjamin Gesammelte…. Rappelons que dans la porte – ou la façade – de l’enfer de Dante se trouve l’inscription : « Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate » (« Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ») ; selon Marx, ce sont les mots inscrits par le capitaliste à l’entrée de l’usine, à destination des ouvriers. Nous verrons plus loin que, pour Benjamin, le désespoir est l’état religieux du monde dans le capitalisme.

9Cependant, le papier-monnaie n’est qu’une des manifestations d’une divinité autrement plus fondamentale dans le système cultuel capitaliste : l’argent, le dieu Mammon, ou, selon Benjamin, « Pluton… dieu de la richesse ». Dans la bibliographie du fragment est mentionné un virulent passage contre la puissance religieuse de l’argent : il se trouve dans le livre Aufruf zum Sozialismus, du penseur anarchiste juif-allemand Gustav Landauer, publié en 1919, peu avant l’assassinat de son auteur par des militaires contre-révolutionnaires. Dans la page indiquée par la notice bibliographique de Benjamin, Landauer écrit :

Fritz Mauthner (Wörterbuch der Philosophie) a montré que le mot « Dieu » (Gott) est originairement identique avec « Idole » (Götze), et que les deux veulent dire « le fondu » [ou « le coulé »] (Gegossene). Dieu est un artefact fait par les humains, qui gagne une vie, attire vers lui les vies des humains, et finalement devient plus puissant que l’humanité.
Le seul coulé (Gegossene), le seul idole (Götze), le seul Dieu (Gott), auquel les êtres humains ont donné vie, c’est l’argent (Geld). L’argent est artificiel et il est vivant, l’argent produit de l’argent et encore de l’argent, l’argent a toute la puissance du monde.
Qui est-ce qui ne voit pas, qui ne voit pas encore aujourd’hui, que l’argent, que le Dieu n’est pas autre chose qu’un esprit issu des êtres humains, un esprit devenu une chose (Ding) vivante, un monstre (Unding), et qu’il est le sens (Sinn) devenu fou (Unsinn) de notre vie ? L’argent ne crée pas de richesse, il est la richesse ; il est la richesse en soi ; il n’y a pas d’autre riche que l’argent [6][6]Gustav Landauer, Aufruf zum Sozialismus, Berlin, Paul Cassirer,….

 

11Certes, nous ne pouvons pas savoir jusqu’à quel point Benjamin partageait ce raisonnement de Landauer ; mais on peut, à titre d’hypothèse, considérer ce passage, mentionné dans la bibliographie, comme un exemple de ce qu’il entend par « pratiques cultuelles » du capitalisme. D’un point de vue marxiste, l’argent ne serait qu’une des manifestations – et pas la plus importante – du capital, mais Benjamin était beaucoup plus proche, en 1921, du socialisme romantique et libertaire d’un Gustav Landauer – ou d’un Georges Sorel – que de Karl Marx et Friedrich Engels. Ce n’est que plus tard, dans le Passagenwerk, qu’il va s’inspirer de Marx pour critiquer le culte fétichiste de la marchandise, et analyser les passages parisiens comme « temples du capital marchand ». Cependant, il y a aussi une certaine continuité entre le fragment de 1921 et les notes du grand livre inachevé des années 1930.

12Donc, l’argent – or ou papier – la richesse, la marchandise, seraient quelques unes des divinités, ou idoles, de la religion capitaliste, et leur manipulation « pratique » dans la vie capitaliste courante des manifestations cultuelles, en dehors desquelles « rien (…) n’a de signification ».

13Le deuxième trait du capitalisme « est étroitement lié à cette concrétion du culte : la durée du culte est permanente. Le capitalisme est la célébration d’un culte sans trêve et sans merci. Il n’y a pas de “jours ordinaires”, pas de jour qui ne soit jour de fête, dans le sens terrible du déploiement de la pompe sacrée, de l’extrême tension qui habite l’adorateur. » Il est probable que Benjamin se soit inspiré des analyses de L’éthique protestante sur les règles méthodiques de comportement du calvinisme/capitalisme, le contrôle permanent sur la conduite de vie, qui s’exprime notamment dans « la valorisation religieuse du travail professionnel dans le monde – celui qui est exercé sans relâche, continûment et systématiquement [7][7]Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme,… ». Sans relâche, sans trêve et sans merci : l’idée de Weber est reprise à son compte par Benjamin, au mot près ; non sans ironie d’ailleurs, en citant la permanence des « jours de fête » : en fait, les capitalistes puritains ont aboli la plupart des jours fériés catholiques, considérés comme un stimulant à l’oisiveté. Donc, dans la religion capitaliste, chaque jour voit le déploiement de la « pompe sacrée », c’est à dire des rituels de la Bourse ou de l’Usine, tandis que les adorateurs suivent, avec angoisse et une « extrême tension », la montée ou la chute du cours des actions. Les pratiques capitalistes ne connaissent pas de pause, elles dominent la vie des individus du matin au soir, du printemps à l’hiver, du berceau à la tombe. Comme l’observe bien Burkhardt Lindner, le fragment emprunte à Weber la conception du capitalisme comme système dynamique, en expansion globale, impossible à arrêter et auquel on ne peut pas échapper [8][8]B. Lindner, « Der 11.9.2001 oder Kapitalismus als Religion »,….

14Enfin, le troisième trait du capitalisme comme religion est son caractère culpabilisant : « Le capitalisme est probablement le premier exemple d’un culte qui n’est pas expiatoire (entsühnend) mais culpabilisant. » On peut se demander quel serait, aux yeux de Benjamin, un exemple de culte expiatoire, opposé donc à l’esprit de la religion capitaliste. Comme le christianisme est considéré par le fragment comme inséparable du capitalisme, il se pourrait qu’il s’agisse du Judaïsme, dont le jour férié le plus important est, comme l’on sait, le Yom Kippour, qu’on désigne d’habitude comme « le Jour du Pardon », mais la traduction la plus fidèle serait plutôt « le Jour de l’Expiation ». Il ne s’agit que d’une hypothèse, rien dans le texte ne l’indique.

15Benjamin continue son réquisitoire contre la religion capitaliste : « En cela, le système religieux est précipité dans un mouvement monstrueux. Une conscience monstrueusement coupable qui ne sait pas expier, s’empare du culte, non pour y expier cette culpabilité, mais pour la rendre universelle, pour la faire entrer de force dans la conscience et, enfin et surtout, pour impliquer Dieu dans cette culpabilité, pour qu’il ait en fin de compte lui-même intérêt à l’expiation. »

16Benjamin évoque, dans ce contexte, ce qu’il appelle « l’ambiguïté démoniaque du mot Schuld » – c’est à dire, à la fois « dette » et « culpabilité » (la traduction française, « faute », est inadéquate). Selon Burkhard Lindner, la perspective historique du fragment est fondée sur la prémisse que l’on ne peut pas séparer, dans le système de la religion capitaliste, la « culpabilité mythique » et la dette économique [9][9]B. Lindner, ibid., p..

17On trouve chez Max Weber des raisonnements analogues, qui jouent eux-aussi sur les deux sens de devoir : pour le bourgeois puritain, « ce qu’on consacre à des fins personnelles est dérobé au service de la gloire de Dieu » ; on devient ainsi à la fois coupable et « endetté » envers Dieu. « L’idée que l’homme a des devoirs à l’égard des possessions qui lui ont été confiées et auxquelles il est subordonné comme un intendant dévoué (…) pèse sur la vie de tout son poids glaçant. Plus les possessions augmentent, plus lourd devient le sentiment de responsabilité (…) qui lui commande, pour la gloire de Dieu (…) de les accroître par un travail sans relâche [10][10]M. Weber, L’éthique protestante…, op. cit., p. 230 et 232.. » L’expression de Benjamin « faire entrer la culpabilité de force dans la conscience », correspond bien aux pratiques puritaines/capitalistes analysées par Weber.

18Mais il me semble que l’argument de Benjamin est plus général : ce n’est pas seulement le capitaliste qui est coupable et « en dette » envers son capital : la culpabilité est universelle. Les pauvres sont coupables parce qu’ils ont échoué à faire de l’argent, et se sont endettés : puisque la réussite économique est, pour le calviniste, signe d’élection et de salut de l’âme (cf. Max Weber) le pauvre est, par définition, un damné. La Schuld est d’autant plus universelle qu’elle se transmet, à l’époque capitaliste, de génération en génération ; selon un passage d’Adam Müller – philosophe social romantique/conservateur, critique impitoyable du capitalisme – cité par Benjamin dans la bibliographie :

(…) le malheur économique, qui dans des époques passées, était immédiatement porté (…) par la génération concernée et mourrait avec le décès de celle-ci, est actuellement, depuis que toute action et comportement s’exprime en or, dans des masses de dettes (Schuldmassen) de plus en plus lourdes, qui pèsent sur la génération suivante [11][11]Adam Müller, Zwölf Reden über die Beredsamkeit und deren….

 

20Dieu se trouve ainsi lui-même impliqué dans cette culpabilité générale : si les pauvres sont coupables et exclus de la grâce, et si, dans le capitalisme, ils sont condamnés à l’exclusion sociale, c’est parce que « c’est la volonté de Dieu », ou, ce qui est son équivalent en religion capitaliste, la volonté des marchés. Bien entendu, si l’on se situe du point de vue de ces pauvres et endettés, c’est Dieu qui est coupable, et avec lui, le capitalisme. Dans un cas comme dans l’autre, Dieu est inextricablement associé au processus de culpabilisation universelle.

21Jusqu’ici on voit bien le point de départ wébérien du fragment, dans son analyse du capitalisme moderne comme religion issue d’une transformation du calvinisme ; mais il y a un passage où Benjamin semble attribuer au capitalisme une dimension transhistorique qui n’est plus celle de Weber – ni de Marx non plus :

Le capitalisme s’est développé en Occident comme un parasite sur le christianisme – on doit le démontrer non seulement à propos du calvinisme, mais aussi des autres courants orthodoxes du christianisme – de telle sorte qu’en fin de compte l’histoire du christianisme est essentiellement celle de son parasite, le capitalisme.

 

23Benjamin ne livre nullement cette démonstration, mais il cite dans la bibliographie un livre, Der Geist der Bürgerlich-Kapitalistischen Gesellschaft [12][12]Bruno Archibald Fuchs, Der Geist der… dont l’auteur, un certain Bruno Archibald Fuchs, s’efforce – en vain – de démontrer, en polémique avec Weber, que les origines du monde capitaliste se trouvent déjà dans l’ascétisme des ordres monastiques et dans la centralisation papale de l’Église médiévale [13][13]Ibid., p. 14-18..

24Le résultat du processus « monstrueux » de culpabilisation capitaliste c’est la généralisation du désespoir : « Il tient à l’essence de ce mouvement religieux qu’est le capitalisme de persévérer jusqu’au bout, jusqu’à la complète culpabilisation finale de Dieu, jusqu’à un état du monde atteint par un désespoir que l’on espère tout juste encore. Ce que le capitalisme a d’historiquement inouï tient à ce que la religion n’est plus réforme mais ruine de l’être. Le désespoir s’étendant à l’état religieux du monde dont il faudrait attendre le salut. » Benjamin ajoute, en se référant à Nietzsche, que nous assistons à la « transition de la planète homme, suivant son orbite absolument solitaire, dans la maison du désespoir (Haus der Verzweiflung). »

25Pourquoi Nietzsche est il mentionné dans cet étonnant diagnostique, d’inspiration poétique et astrologique ? Si le désespoir est l’absence radicale de tout espoir, il est parfaitement représenté par l’amor fati, « l’amour du destin » prêché par le philosophe au marteau dans Ecce Homo : « Ma formule pour la grandeur de l’homme est amor fati : ne rien vouloir d’autre que ce qui est, ni dans l’avenir, ni dans le passé, ni dans les siècles des siècles. Ne pas se contenter de supporter l’inéluctable (…) mais l’aimer. »

26Certes, il n’est pas question de capitalisme chez Nietzsche. C’est le nietzschéen Max Weber qui va constater, avec résignation – mais pas nécessairement avec amour – le caractère inéluctable du capitalisme comme destin de l’époque moderne. C’est le sens des dernières pages de L’éthique protestante, où Weber, constate, avec un fatalisme pessimiste, que le capitalisme moderne « détermine, avec une force irrésistible, le style de vie de l’ensemble des individus nés dans ce mécanisme – et pas seulement de ceux que concerne directement l’acquisition économique ». Cette contrainte il la compare à une sorte de prison, où le système de production rationnelle des marchandises enferme les individus : « Selon les vues de Baxter, le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules de ses saints qu’à la façon d’un “léger manteau qu’à chaque instant l’on peut rejeter”. Mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d’acier [14][14]M. Weber, L’éthique protestante…, op. cit., p. 222-225.. » Il existent diverses interprétations ou traductions de l’expression stahlhartes Gehäuse : pour certains, il s’agirait d’une « cellule », pour d’autres d’une carapace comme celle que porte l’escargot sur son dos. Il est cependant plus probable que l’image soit emprunté par Weber à la « cage de fer du désespoir » du poète puritain anglais Bunyan [15][15]Cf. Edward A. Tiryakian, « The Sociological Import of a….

27Haus der Verzweiflung, Stallhartes Gehäuse, Iron cage of despair : de Weber à Benjamin nous nous trouvons dans un même champ sémantique, qui décrit l’impitoyable logique du système capitaliste. Mais pourquoi est-il producteur de désespoir ? On peut proposer différentes réponses à cette question :

28– Tout d’abord parce que, comme nous l’avons vu, le capitalisme, se définissant lui-même comme la forme naturelle et nécessaire de l’économie moderne, n’admet aucun avenir différent, aucune issue, aucune alternative. Sa force est, écrit Weber, « irrésistible », et il se présente comme un destin (fatum) inévitable.

29– Le système réduit la grande majorité de l’humanité à des « damnés de la terre », qui ne peuvent pas attendre leur salut de Dieu, celui-ci étant lui-même impliqué dans leur exclusion de la grâce. Coupables de leur propre destin, ils n’ont droit à aucune espérance de rédemption. Le Dieu de la religion capitaliste, l’Argent, n’a aucune pitié pour ceux qui n’ont pas d’argent…

30– Le capitalisme est « ruine de l’être », il substitue l’être par l’avoir, les qualités humaines par les quantités marchandes, les rapports humains par des rapports monétaires, les valeurs morales ou culturelles par la seule valeur qui vaut, l’argent. Ce thème n’apparaît pas dans le fragment, mais il est largement développé par les sources anti-capitalistes, socialistes/romantiques, que Benjamin cite dans sa bibliographie : Gustav Landauer, Georges Sorel – ainsi que, dans un contexte conservateur, Adam Müller. Il est à noter que le terme utilisé par Benjamin, Zertrümmerung, est apparenté avec celui qui décrit, dans la thèse IX « Sur le concept d’histoire », les ruines suscitées par le progrès : Trümmern.

31– La « culpabilité » des humains, leur endettement envers le Capital étant perpétuel et croissant, aucun espoir d’expiation n’est permis. Le capitaliste doit constamment croître et élargir son capital, sous peine de disparaître face à ses concurrents, et le pauvre doit emprunter de l’argent pour payer ses dettes.

32– Selon la religion du capital, le seul salut réside dans l’intensification du système, dans l’expansion capitaliste, dans l’accumulation des marchandises, mais cela ne fait qu’aggraver le désespoir. C’est ce que semble suggérer Benjamin avec la formule qui fait du désespoir un état religieux du monde « dont il faudrait attendre le salut ». ( ...., .... )

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NDLR / CAPITALISME ET EVOLUTION SOCIETAIRE

STAGNATION DES DOGMES ET DES CONDITIONS POLITIQUES

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Ainsi, la religion capitaliste, pour assurer son salut éternel, repose sur une doctrine d'extansion permanente des frontières du marché, l'inflation permanente de la masse monétaire réglée par des petits rois faisant la pluie et le beau temps, mais surtout sur l'éccélération perpétuelle des cycles économiques. Mais on parle juste de survie du système, de maintient des fonctions vitales ... en éludant les enjeux humains, politiques ou sociétaux. C'est tout le problème. C'est à ce prix ultime d'aliénation de l'homme à son service que le système peut survivre sans tomber dans une crise systèmique de contradiction menant cycliquement à la guerre des empires ou à l'effondrement des places financières. Mais cela, personne ne peut le dire, l'avouer officiellement car cet aveu imposerait de tout revoir ... faisant tomber les maîtres du monde, tapis dans l'ombre des régimes pseudo-républicains..

Aussi dois-je le dire : Le capitalisme n'existe que pour lui même et au profit de la caste qui  l'anime et impose de manière intrinsèque une stagnation des dogmes économiques, culturels et cultuels ( maintient ou basculement en parallèle des dogmes sur un nouveau registre élitiste ). L'ensemble est intimement lié dans un équilibre instable comme le serait un château de carte sur lequel s'exerce une pression constante sur le dernier étage. Or, le monde physique, les enjeux d'adaptation du vivant et des sociétés humaines imposent de revoir notre modèle sociétaire afin de satisfaire aux nouveaux défis de civilisation : Le capitalisme ne peut plus y satisfaire car sa doctrine impose implicitement, non seulement la rareté et la concentration des capitaux mais de plus la stagnation des dogmes politiques qui assurent son environnement, son cadre d'épanouissement idéal.

La société capitaliste mime habilement le consensus et le partage des pouvoirs mais il n'en est rien : Faire le bilan des possessions financières et bancaires privées dans le monde suffirait à le prouver mais ce décompte réel est volontairement rendu impossible ou mensonger. Les citoyens comprendraient alors la réalité du système ... le mensonge global qui se glisse derrière les paradis fiscaux,  secret et bastion jalousement gardé par toute la classe politque, complice des maîtres du monde. Cette confiscation feutrèe du réel est un autre point faible rédhibitoire du capitalisme : La démocratie du futur ne peut avoir cours dans un régime capitaliste financier globalisé ou 1% de la population détient 90 % des richesses monétaires.

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2, Les partis politiques, comme les syndicats et les corps intermédiaires sont de véritables entreprises élitistes

.... servant à brider,  étouffer, encadrer la parole du peuple

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3- Les religions sont devenues des sectes et des corporations hiérarchiques

servant la cause et à la solde du pouvoir politique ( Théorie de justification )

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Date de dernière mise à jour : 23/03/2023

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